- Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE)
Utiliser les Biais Cognitifs Pour Vendre : Éthique ou Manipulation ? – Sept. 2024
Image par atlascompany sur Freepik
Un biais cognitif est une distorsion systématique dans la manière dont nous percevons, pensons, et prenons des décisions. C’est un « raccourci mental » que notre cerveau utilise pour traiter l’information plus rapidement. Les biais cognitifs, notamment dans le contexte de la vente, ont été largement explorés dans des ouvrages comme Influence : The Psychology of Persuasion de Robert Cialdini, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens de Jean-Léon Beauvois et Robert-Vincent Joule, Thinking, Fast and Slow de Daniel Kahneman, ou encore Nudge : Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness de Richard Thaler.
Pour les vendeurs, ces biais peuvent constituer des outils extrêmement puissants. Pour les acheteurs, en revanche, ils représentent souvent un défi à surmonter pour éviter d’être influencés de manière excessive. Ces biais influencent profondément le jugement d’un acheteur et la rapidité de sa décision. Par conséquent, ils sont susceptibles d’être utilisés à des fins de manipulation. Mais, à l’inverse, peuvent-ils également servir une démarche éthique, aidant ainsi un client à prendre une décision à impact positif ?
Les biais cognitifs, pour quoi faire ?
Décider, acheter, c’est accepter de changer, c’est faire bouger des lignes, c’est parfois prendre un risque personnel. C’est souvent très difficile ! Et c’est bien pour cela que les vendeurs existent : ils accompagnent leurs clients dans des décisions généralement complexes.
Pour y parvenir, les vendeurs écoutent, fournissent des informations, co-construisent des solutions, etc. Mais ça ne suffit pas toujours. Quiconque a été confronté à un achat complexe sait qu’il est facile de douter, de chercher des éclaircissements, ou de repousser sa décision au lendemain. Voilà pourquoi les vendeurs se retrouvent habituellement face à des processus d’achat interminables.
C’est aussi pour cette raison que les vendeurs utilisent divers biais cognitifs pour aider leurs clients à avancer. Ils jouent notamment sur l’autorité (« croyez-moi, vous prenez un grand risque si vous n’agissez pas »), la preuve sociale (« vos concurrents l’ont fait »), ou encore la rareté (« dépêchez-vous, il n’en reste presque plus »).
Alors, éthique ou pas éthique ?
Tout dépend de deux facteurs. Premièrement, la sincérité. Suis-je réellement un expert (autorité) ? Le marché a-t-il vraiment adopté ma solution (preuve sociale) ? Sommes-nous réellement au bord de la rupture de stock (rareté) ?
Deuxièmement, au service de qui ces biais sont-ils utilisés ? Sont-ils employés dans le seul intérêt du vendeur, focalisé sur ses objectifs de vente ? Dans ce cas, la manipulation devient un risque. Ou alors sont-ils au service du client et de son projet ? Ici, il s’agit plutôt d’aider à progresser, à la manière d’un coach.
Pour illustrer ce point, en tant que client, j’ai ressenti une grande frustration en me décidant trop tard pour l’organisation d’un événement familial. Le vendeur, avec qui j’avais co-construit le déjeuner, ne m’avait pas alerté sur l’urgence de confirmer. Il n’avait pas utilisé ma sensibilité à la rareté pour m’aider à franchir le pas. En somme, il n’avait pas fait son travail de vendeur, et j’ai raté mon projet. Ainsi, les biais cognitifs ont leur place lorsqu’ils sont centrés sur le client, sur l’impact du projet, et sur l’accompagnement vers un objectif désiré par l’acheteur.
En conclusion, un biais particulièrement puissant et éthique est celui de cohérence et d’engagement. Les études montrent que chaque pas vers un objectif renforce l’engagement pour l’atteindre. C’est ce qui pousse les coachs à encourager un « premier petit pas ». De la même manière, les vendeurs définissent avec leur client un « next step », une étape franchie par le client plus que par le vendeur. Ce n’est pas tant pour planifier que pour générer de l’engagement. Voilà un véritable « coup de pouce » éthique, à condition qu’il soit au service du client.
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